En Algérie, l’État est un acteur économique puissant. Il gère non seulement les rentes pétrolières et gazières, mais de plus il a créé autour de lui un système d’alliances et d’ententes avec les grands patrons du secteur privé. Un système clientéliste, selon Brahim Oumansour politologue à l’Iris, l’Institut de relations internationales et stratégiques. « La mainmise et le contrôle de l’état sur l’économie encouragent ce genre de clientélisme. L’ensemble des dirigeants, pour ne pas dire tous, sont globalement liés. Par exemple, les groupes les plus puissants comme ceux d’Ali Haddad et d’Issa Rebrab sont directement liés ou bien doivent leurs richesses à des liens tissés avec de hauts responsables politiques, mais aussi des dirigeants de l’armée. » ? À écouter aussi : En Algérie le blocage politique grippe l’économie « Une vraie revendication populaire » Clientélisme et corruption, voilà ce que dénoncent les Algériens depuis des mois dans les manifestations de rues. Le Hirak, le mouvement de contestation vise cette caste politico-affairiste. « Le Hirak veut changer cela, et veut qu’il y ait des entrepreneurs normaux, comme la majorité des entrepreneurs algériens », affirme Adlekrim Boudra, chercheur au groupe de réflexion Nabni. « Et donc, inéluctablement, changer de système, cela veut dire changer de système économique. Car, à la base, tous ce qui est lutte contre la corruption et la prédation est une vraie revendication populaire. » Justice en marche ? Cette semaine la Justice algérienne a condamné plusieurs grands patrons et ex-dirigeants politiques a de lourdes peines de prison. Certains hommes d’affaires et ministres ont été reconnus coupables d’avoir détourné des subventions publiques, notamment destinées au secteur automobile, d’autres d’avoir purement et simplement mis la main sur des groupes qui ne leur appartenaient pas. Une justice lourde et expéditive qui ne convainc pas totalement Brahim Oumansour. « Est-ce que ces arrestations traduisent une réelle volonté de mettre fin à la corruption ? Ou est-on plutôt dans une chasse aux sorcières ou une guerre des clans ? Nous avons les deux interprétations aujourd’hui, et rien ne garantit, pour le moment, qu’il y ait un réel changement. » Moustapha Atoui, le président de l’Association nationale de lutte contre la corruption, ne fait pas du tout confiance au pouvoir actuel et il en veut pour preuve ce simple fait. « On n’a même pas pu organiser une rencontre pour fêter le 9 décembre, la journée internationale de lutte contre la corruption. On nous empêche de nous réunir, même dans un local. » Réformer le mode de gouvernance de la sphère économique est un vaste chantier. Il nécessitera une volonté politique forte, et probablement, l’assentiment des généraux.
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