8 minutes et 46 secondes, c’est le temps qu’il a fallu à Derek Chauvin pour tuer George Floyd en appuyant le genou sur son cou tout en se sachant filmé par au moins une caméra vidéo qui a réalisé un Facebook live de 10 minutes. Si les quatre caméras-piétons des policiers n’ont pas dévoilé leurs images, cela a permis à de plusieurs journaux, et notamment au New York Times, de reconstituer le tragique déroulé des faits. Ce qui apparaît de saisissant, c’est qu’alors même que des témoins s’interposent, qu’au moins un téléphone est en train de le filmer et que George Floyd dit qu’il ne peut respirer à seize reprises, le policier ne bouge pas. Comme s’il avait intégré depuis longtemps que rien, pas même des images accablantes, ne peuvent lui être opposées, lui le policier blanc face à un Noir à terre. On connaît la suite. L’indignation très largement partagée, les manifestations dans tous les pays, des policiers mettant un genou à terre. Mais la question qui se pose est aussi de savoir ce que disent ces images. On pourrait répondre que c’est inédit. En réalité, non. Il y a eu Eric Garner en 2014, dont l’interpellation tragique a aussi été filmée et partagée sur les réseaux sociaux. Ou même Rodney King, dont le tabassage a été filmé en 1991. L’acquittement des quatre policiers impliqués avait abouti aux émeutes de Los Angeles. La bête immonde du racisme bien vivante dans la police En réalité, ce que disent ces images violentes, c’est que la bête immonde du racisme est bien vivante dans la police. Et comme dit l’historien François Durpaire, « l’image a toujours été une arme pour les droits civiques, pour montrer à l’Américain blanc ce que vivent les noirs ». D’ailleurs, c’est la vidéo de la mort de George Floyd et l’émotion qu’elle suscite qui permet de requalifier les poursuites contre son meurtrier en homicide volontaire. Mais il y a aussi une dimension policière, sur les techniques d’intervention avec le plaquage ventral, qui dit aussi ce que subit une partie de la communauté noire. Dès lors, il n’est pas tellement étonnant que la famille d’Amada Traoré y ait vu, comme dans un miroir, les images qui lui ont manqué cruellement. Comme le livreur Cédric Chouviat, il a lui aussi a subi un plaquage ventral, il y a quatre ans. Mais sans images, pas de preuves. Le tout image préférable au sans image On comprend alors combien les images de George Floyd, malgré leur caractère insoutenable, ont déterminé les mobilisations aux États-Unis comme en France. Et pourquoi les journalistes qui filment sont si souvent visés par la police, comme en atteste l’interpellation d’une équipe de CNN. Même s’il y a de l’indécence à montrer en boucle la mort d’un homme sur les écrans, le tout image est cent fois préférable au sans image.
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